Quel délai pour un jugement du Conseil de prud’hommes de Bordeaux ?

Quel délai pour un jugement du Conseil de prud’hommes de Bordeaux ?

Auteur : Adeline CORNIC
Publié le : 16/10/2015 16 octobre oct. 10 2015

Dans combien de temps mon affaire sera-t-elle jugée?”, telle est la question posée par maints clients et qui clôt quasi-systématiquement le premier rendez-vous en Cabinet. Cette interrogation prend une dimension particulière en droit du travail, surtout du point de vue des salariés, souvent placés en situation de précarité suite à la rupture de leur précédent contrat de travail.

Or, la réponse judiciaire est lente. Le délai minimum pour obtenir un jugement du Conseil de prud’hommes de Bordeaux est d’une année. De plus, cette première réponse n’est souvent pas définitive, puisque reste souvent ouverte la possibilité pour les parties d’interjeter appel.

Pour remédier à cette difficulté, la loi du 6 août 2015, dite “Macron” a introduit de nouvelles règles visant à l’accélération du procès devant le Conseil de prud’hommes.

Le préalable de la conciliation est maintenu. En effet, une affaire opposant un salarié et un employeur ne peut, à peine d’irrecevabilité, être renvoyée devant le Bureau de jugement sans tentative de conciliation préalable, à l’occasion d’une audience devant le Bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes. Il faut toutefois savoir que seules 2% des affaires se résolvent à l’amiable devant le Bureau de conciliation. Ce n’est qu’à l’issue de la conciliation, si celle-ci a échoué, que l’affaire est renvoyée devant le Bureau de jugement où la mise en état du dossier dure souvent entre 8 et 10 mois (délais en cours au Conseil de prud’hommes de Bordeaux), avant que l’affaire ne soit plaidée.

La Loi “Macron” vise à réduire cette phase du procès, en créant deux outils : la procédure accélérée devant le Bureau de jugement (1) et la possibilité pour le Bureau de conciliation de se faire, à titre exceptionnel, Bureau de jugement (2).

(1) La loi nouvelle offre aux justiciables le choix d’une procédure accélérée. Dans ce cas, l’affaire sera jugée dans un délai maximum de trois mois à compter de la conciliation. Elle sera alors soumise à l’appréciation d’une formation restreinte composée de deux conseillers, au lieu de quatre. L’accord des deux parties est requis pour le choix de cette procédure accéléré. L’objectif fixé est louable et apparaît séduisant : gagner du temps! Toutefois, avant même sa mise en oeuvre, on peut douter de l’efficacité de la règle. Il faut en effet tenir compte de la dualité du procès : si un salarié peut être pressé d’obtenir l’indemnisation espérée, tel est rarement le cas de son ancien employeur, potentiel payeur…Il n’est donc nullement acquis que beaucoup de parties consentent au circuit écourté. De plus, pour que le délai de 3 mois soit respecté, il faudra que chaque partie communique ses conclusions et pièces dans un délai restreint, afin que le principe contradictoire soit respecté. L’affaire n’est donc pas aisée!

(2)Par ailleurs, toujours avec l’objectif d’accélérer le procès prud’homal, la loi du 6 août 2015 permet désormais de faire juger l’affaire par le Bureau de conciliation et d’orientation, au moment de l’audience de conciliation. En théorie, une affaire pourrait donc être jugée dans un délai de deux à trois mois à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes. Toutefois, il convient de rester réservé sur cette question. Tout d’abord, le Bureau de conciliation ne pourra se faire juge qu’à la condition que le défendeur ait été régulièrement avisé de l’audience et qu’il ne s’y présente pas, ni s’y fasse représenter, sans “motif légitime”. Ce dernier critère est très vague, et conduira donc très certainement au report de l’audience de conciliation, dès que la partie non présente fera part au Conseil de son indisponibilité. De plus, l’affaire ne pourra être jugée que sous réserve que les arguments et pièces du demandeur aient été préalablement communiqués à la partie adverse. Cette dernière exigence nécessite de recourir à la signification par huissier avant l’audience de conciliation, pour pouvoir justifier ensuite du respect du principe contradictoire. Les hypothèses où le bureau de conciliation pourra s’emparer du fond du litige apparaissent donc limitées.

Quelques mois après l’entrée en vigueur, la loi Macron ne semble pas avoir eu d’impact sur la pratique du Conseil de prud’hommes de Bordeaux. En effet, à l’issue de l’audience de conciliation, à défaut d’accord entre les parties, l’affaire continue à être renvoyée devant le Bureau de jugement, sans, à ma connaissance, qu’il soit fait de distinction entre la procédure classique et la procédure dite accélérée.

Il n’est donc pas révolu, le temps de la longueur du procès prud’homal!

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