Compétence exclusive du Conseil de prud’hommes pour se prononcer sur le bien-fondé du licenciement en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (y compris en cas de faute inexcusable)

Compétence exclusive du Conseil de prud’hommes pour se prononcer sur le bien-fondé du licenciement en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (y compris en cas de faute inexcusable)

Auteur : Adeline Cornic
Publié le : 22/10/2019 22 octobre oct. 10 2019

Seul le Conseil de prud’hommes est compétent pour se prononcer sur le bien-fondé d’un licenciement en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité envers le salarié (y compris en cas de faute inexcusable)
 
Par plusieurs arrêts du 3 mai 2018, la Cour de cassation s’est clairement prononcée sur la compétence exclusive du Conseil de prud’hommes pour statuer sur le bien-fondé d’un licenciement pour inaptitude médicale consécutif à un manquement de l’employeur. 
 
La difficulté se posait en cas de faute inexcusable de l’employeur, à la suite de laquelle le salarié avait été licencié.
 
En effet, seul le Pôle social du Tribunal de grande instance, (anciennement Tribunal des affaires de la sécurité sociale) est compétent pour connaître de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’un accident du travail/d’une maladie professionnelle envers le salarié, ainsi que de l’indemnisation des dommages du salarié consécutifs à cet accident du travail ou à cette maladie professionnelle. 
 
Il existait donc une confusion et une interrogation sur le point de savoir : 
  1. si le Conseil de prud’hommes restait compétent pour se prononcer sur le bien-fondé du licenciement pour inaptitude médicale d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur, 
  2.  si le salarié pouvait demander l’indemnisation consécutive au licenciement sans cause réelle et sérieuse devant le Conseil de prud’hommes, ou si, au contraire, il était considéré que seul le Pôle social du Tribunal de grande instance pouvait se prononcer, y compris sur l’indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail. 
 
La Chambre sociale de la Cour de cassation a tenté de clarifier cette difficulté procédurale en retenant, comme principe que (arrêts du 3 mai 2018, n°16-26850 et n°17-10306): « si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, 

Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée »
 
 
Concrètement, cela veut dire que le salarié, victime d’un accident du travail/d’une maladie professionnelle, peut agir à la fois : 
  1. Devant le Pôle social du Tribunal de grande instance, en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, pour obtenir une rente majorée d’accident du travail/maladie professionnelle, ainsi que l’indemnisation des dommages consécutifs à l’accident du travail et la maladie professionnelle (souffrances endurées, préjudice moral, préjudice esthétique, préjudice sexuel, déficit fonctionnel temporaire, assistance par tierce personne), 
 
  1. Devant le Conseil de prud’hommes, afin d’obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de son employeur à des dommages et intérêts pour le préjudice subi par la rupture abusive du contrat de travail. 
 
 
Les deux procédures visent à l’indemnisation de préjudices distincts. 
 
En effet, la procédure devant le Conseil de prud’hommes vise à mettre en évidence que l’origine de l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail est un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, ce dont il résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. 
 
Le salarié peut obtenir des dommages et intérêts à ce titre. 
 
L’indemnisation est alors soumise aux barèmes légaux issus de l’ordonnance du 22 septembre 2017, dont la conformité aux Traités internationaux reste aujourd’hui débattue. 
 
La procédure devant le Pôle social du Tribunal de grande instance vise, quant à elle, à l’indemnisation des préjudices directement consécutifs à l’accident du travail et à la maladie professionnelle (dommages corporels, indemnisation forfaitaire des séquelles).
 
Cette complexité procédurale est regrettable, car à l’origine de procédures longues , d’incidents de procédure, qui sont autant d’obstacles à une juste indemnisation, dans un délai raisonnable, du salarié victime d’un risque professionnel.
 

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